samedi 2 août 2014

Mémoire : un effet Google ?


       Les gens ont depuis 
toujours compté les 
uns sur les autres pour mémoriser et retrouver 
les informations qui leur
sont utiles.
 Aujourd'hui, on s'en 
remet souvent à Internet, ce qui influe sur la mémorisation et sur 
la perception de soi... 

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         Un couple reçoit une invitation à une soirée d'anniversaire. Grâce à une longue vie commune, les deux partenaires se partagent intuitivement les tâches. L'un d'eux retient le type de la soirée (habillée ou décontractée), l'autre le lieu et l'heure.

Dans une certaine mesure, nous déléguons tous des tâches mentales aux autres. Nous répartissons de façon automatique la responsabilité de mémoriser les nouvelles informations entre les membres du groupe social auquel nous appartenons, n'en retenant qu'une partie nous-mêmes. Quand nous échouons à retrouver un nom ou à réparer un appareil en panne, nous demandons à un proche qui est compétent. 

Votre voiture fait un bruit anormal ? Vous appelez Charles, un ami passionné de mécanique. Vous avez oublié qui joue dans Casablanca ? Philippe, cinéphile averti, le saura certainement. D'innombrables connaissances sont disponibles parmi les membres d'une entité sociale, que celle-ci soit un couple ou le service de comptabilité d'une multinationale. Nous ne disposons pas juste des données stockées dans notre cerveau ; nous savons aussi quelles informations trouver dans celui des autres.

Cette division du travail permet d'éviter une multiplication inutile des efforts et d'étendre les capacités mémorielles de l'ensemble du groupe. Quand on délègue à d'autres la responsabilité de certains types d'informations, on libère des ressources cognitives, que l'on utilise en partie pour accroître ses connaissances dans le domaine dont on s'occupe. Ainsi, chacun a accès à un savoir plus étendu et plus approfondi que s'il ne comptait que sur lui-même. La mémoire distribuée lie le groupe, sans lequel ses membres passeraient à côté d'informations essentielles. Séparé, notre couple d'invités à la soirée d'anniversaire serait en mauvaise posture : l'un des partenaires errerait dans les rues en smoking, tandis que l'autre arriverait à l'heure, mais en T-shirt.

Cette tendance à répartir l'information dans ce qu'on nomme un système de mémoire transactive s'est développée dans un monde d'interactions directes, où le cerveau humain était le meilleur système de stockage. Or le développement d'Internet a changé la donne. Nos travaux suggèrent que nous traitons ce réseau presque de la même façon qu'un partenaire humain...

L'essentiel

- Jadis, la mémorisation d'informations était partagée entre les membres 
d'un réseau social : 
on recourait à ses amis 
et ses connaissances 
pour savoir comment cuire un rôti ou réparer une fuite.

- Internet a changé la donne. Désormais, il est fréquent d'effectuer une recherche rapide sur le Web plutôt 
que d'appeler un ami.

- La nouvelle accessibilité 
des informations modifie 
la perception subjective 
de soi, car les frontières entre les souvenirs personnels et ce qui est 
sur le Web commencent 
à se brouiller.

L'auteur

Daniel WEGNER (1948-2013) était professeur de psychologie à l'Université Harvard, 
à Cambridge, aux États-Unis.

Adrian WARD est postdoctorant à l'Université du Colorado, 
à Boulder. Il a obtenu son doctorat en 2013 à l'Université Harvard, sous la direction 
de D. Wegner.

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