Des traces de mains datant d'au moins 40 000 ans ont été découvertes dans une grotte sur l’île de Sulawesi, en Indonésie. C'est le plus ancien témoignage d'art pictural figuratif connu.
Dans l'imaginaire collectif, l'art pictural est né en Europe au Paléolithique, comme en témoignent les nombreuses grottes ornées, dont la grotte Chauvet est l'un des joyaux. L'Europe doit aujourd'hui partager cette paternité avec l'Asie. Une équipe de paléontologues australiens et indonésiens vient en effet d’établir que des dessins de mains réalisés « au pochoir » (en soufflant des pigments sur la main posée sur la paroi) découverts dans des grottes de l’île de Sulawesi, en Indonésie, datent d'au moins 40 000 ans, ce qui en fait les plus anciens dessins rupestres connus de l’humanité.
Les peintures des grottes de l’île de Sulawesi sont connues depuis plusieurs années. Maxime Aubert, de l’Université de Wallogong en Nouvelles Galles-du-Sud, et ses collègues ont daté 14 motifs appartenant aux grottes de la formation calcaire de Maris-Pangkep, au Sud-Ouest de l’île. Pour cela, ils ont prélevé 19 dépôts de calcite, pour certains recouverts par les pigments, donc antérieurs aux dessins ; pour d'autres, postérieurs aux dessins. La datation de ces fragments de calcite par la méthode radiométrique uranium-thorium indique que ces peintures sont âgées au moins de 17 400 ans pour la plus récente, jusqu'à 39 900 ans pour la plus ancienne. Non loin du motif le plus ancien, une représentation d’un babiroussa femelle (une sorte de sanglier d'Indonésie) date de plus de 35 000 ans. Une culture artistique aurait ainsi existé dans la région de Maris-Pangkep pendant au moins 23 000 ans.
Quelles sont les conséquences de cette découverte sur l'histoire du peuplement de la planète ? Selon les scénarios en vigueur, parmi les différentes vagues d'hommes modernes qui se sont succédé, l'une, partie d'Afrique vers 80 000 ans, est arrivée en Australie vers 50 000 ans. Ces pionniers étaient des peuples tropicaux, contrairement à ceux qui ont peuplé le Nord de l’Eurasie. Cela se manifeste en particulier dans la pigmentation de la peau, héritée de ces ancêtres africains, qui est commune aux Tamouls (Inde du Sud), aux indigènes des îles Adaman, à nombre de peuples d’Asie du Sud-Est, dont les négritos d’Indonésie, aux habitants de Papouasie-Nouvelle Guinée et aux aborigènes d’Australie.
Dans le même temps, d’autres vagues de Homo sapiens progressaient vers l’Asie orientale et vers l’Europe. Vers 35 000 ans, des artistes aurignaciens réalisaient en Europe des œuvres attestant de la maîtrise d’effets de perspective, de mouvement et de volume. La plus vieille œuvre figurative de la grotte Chauvet – un rhinocéros – date de 35 000 à 38 000 ans, tandis qu'en Espagne, on trouve des œuvres non figuratives de plus 40 000 ans.
Ainsi, il y a 40 000 ans, des hommes ou des femmes pratiquaient un art pictural figuratif semblable aux deux extrémités de l’Eurasie. Tant en Ardèche (Grotte Chauvet) que sur l'île de Sulewesi, il semble que la représentation d'animaux jouait le même rôle culturel essentiel. Un rôle animiste ? Quoi qu'il en soit, il est clair que les capacités cognitives et les techniques nécessaires à l'art figuratif étaient déjà répandues chez les Homo sapiensen train de conquérir la planète, il y a plus de 40 000 ans.
Sur cette paroi de la grotte Leang Timpuseng, on distingue une impression de main datant de presque 40 000 ans et la représentation d'un babiroussa femelle datant d'environ 35 000 ans. Peu visible, la ligne rouge cheminant sous l'animal semble représenter la surface du sol. Comme ceux de la grotte Chauvet, les auteurs de ces peintures ont utilisé des conventions picturales qui nous semblent naturelles.
Leslie Refine, Graph & Co
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