Comment parvenons-nous à rester motivés dans la réalisation d’un objectif, lorsque cet objectif est lointain ? Vraisemblablement, parce que notre cerveau libère de la dopamine pendant toute la période précédant l’obtention de l’objet désiré.
On le sait, chez l'homme comme chez la plupart des mammifères, la dopamine est un neurotransmetteur qui joue un rôle central dans la motivation : lorsque nous obtenons quelque chose que nous convoitions (une friandise, un succès ou sportif ou professionnel…), notre cerveau opère à une libération massive de dopamine, ce qui nous procure une intense sensation de satisfaction (c'est d'ailleurs pourquoi on la surnomme « hormone de la récompense »). En d'autres termes, c’est la promesse d'une libération massive de dopamine qui nous incite à agir pour obtenir ce que nous désirons. D'où son rôle central dans le processus de motivation.
Toutefois, une question se pose : comment parvenons-nous à rester motivés lorsque l'obtention de notre objet de désir nécessite préalablement de déployer des efforts sur une longue durée ? En d'autres termes, quel est le mécanisme qui nous permet de rester motivés alors que l'obtention de notre objet de désir, et la libération massive de dopamine associée à cette obtention, n'est pas immédiate mais différée dans le temps ? Une question qui concerne d’ailleurs non seulement l'être humain, mais également les autres mammifères. Par exemple, lorsqu’un renard veut se procurer de la nourriture, il doit d'abord passer un certain temps à arpenter son environnement à la recherche d'une proie. Une période préalable de chasse qui, en certaines saisons comme en hiver, peut même se révéler extrêmement longue et fastidieuse.
Cette énigme, des biologistes américains viennent de la résoudre, en menant une série d'expériences sur des rats. En effet, leurs travaux suggèrent que si nous parvenons à rester motivés malgré le fait que l'obtention de notre objet de désir soit différée dans le temps, c'est parce que la dopamine n'est pas seulement libérée au moment de l'obtention de notre objet de désir, mais également avant cette obtention, c'est-à-dire pendant toute la période où nous déployons des efforts afin de parvenir à notre but.
Pour obtenir ce résultat, Ann Graybiel et ses collègues du Massachusetts Institute of Technology (Cambridge, États-Unis) ont analysé l'activité cérébrale de rats à la recherche d'une récompense cachée au coeur d'un labyrinthe. Plus précisément, les scientifiques américains ont mesuré la quantité de dopamine qui était libérée dans le striatum de ces rats (le striatum est une structure cérébrale notamment impliquée dans l'apprentissage et la mémoire).
Résultat ? Ils ont constaté que la libération de dopamine ne se produisait pas seulement lorsque les rats découvraient la récompense (même si, évidemment, un pic de dopamine était précisément observé à ce moment-là), mais aussi avant la découverte de cette récompense, c'est-à-dire pendant la recherche de la récompense dans le labyrinthe.
En d'autres termes, les niveaux de dopamine mesurés chez ces rats au cours de toute la période précédant la découverte de la récompense suggèrent que, durant leurs pérégrinations dans le labyrinthe, les rongeurs sont en réalité en train « d'anticiper » l'obtention de cette récompense. Un constat renforcé par le fait que, lorsque les rats sont brusquement habitués à une récompense plus importante que celle proposée habituellement, les niveaux de dopamine mesurés au cours des pérégrinations ultérieures précédant la découverte de la récompense augmentent sensiblement. Un phénomène qui montre sans ambiguïté que la quantité de dopamine libérée pendant la période préalable à l'obtention de la récompense est bel et bien directement corrélée à la taille de la récompense attendue.
Un résultat qui pourrait aider à mieux comprendre pourquoi les personnes atteintes de la maladie de Parkinson, une affection qui altère notamment les mécanismes de transmission de la dopamine, ont du mal à rester motivés dans des tâches qui nécessitent de déployer des efforts sur une longue durée.
Cette étude a été publiée le 4 août 2013 dans la revue Nature sous le titre« Prolonged dopamine signalling in striatum signals proximity and value of distant rewards ».
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