lundi 15 septembre 2014

Cerveau : que se passe-t-il quand on se souvient ?

En se remémorant des souvenirs, on peut adoucir des événements douloureux du passé et assombrir des moments heureux. Pour quelle raison ? Décryptage.


Les émotions associées à des souvenirs peuvent être réécrites, permettant d'adoucir des événements douloureux du passé et à l'inverse d'assombrir des moments heureux, suggère une étude menée sur des souris au Japon et aux Etats-Unis et publiée dans Nature.
TRAITEMENTS. "Cette propriété (de renversement) de la mémoire est utilisée cliniquement pour traiter" des maladies mentales, "cependant les mécanismes neuronaux et les circuits du cerveau qui autorisent ce changement de registre émotionnel demeurent largement méconnus", soulignent les chercheurs en préambule.
L'objet de l'étude est de décrypter ces procédés sous-jacents, ouvrant la voie à de nouvelles pistes pour soigner des pathologies comme la dépression ou les troubles de stress post-traumatique. Elle "valide aussi le succès de la psychothérapie actuelle", explique à l'AFP le directeur de recherche Susumu Tonegawa.

Une interaction flexible entre l'hippocampe et l'amygdale

Ces travaux, fruit d'une collaboration entre l'institut japonais Riken et leMassachussets Institute of Technology (MIT) aux Etats-Unis, s'appuient sur une nouvelle technologie de contrôle du cerveau via la lumière, appelée "optogénétique", pour mieux comprendre ce qui se passe quand on se remémore de bons ou mauvais moments.
CERVEAU. Les résultats démontrent que l'interaction entre l'hippocampe, partie du cerveau qui joue un rôle central dans la mémoire, et l'amygdale, censée être une sorte de chambre de stockage des réactions positives et négatives, est plus flexible que ce qu'on pensait jusqu'à présent.
Pour y parvenir, les chercheurs ont injecté une protéine d'algue sensible à la lumière à deux groupes de souris mâles. Ils ont ainsi pu suivre la formation d'une inscription en mémoire en temps réel, qu'ils ont réactivé à leur gré grâce à des impulsions lumineuses.
Dans un deuxième temps, les scientifiques leur ont fait artificiellement revivre ces souvenirs, tout en soumettant les rongeurs à l'expérience opposée : les souris agréablement disposées recevaient un choc, tandis que les autres avaient la bonne surprise de rencontrer leurs comparses.
La nouvelle expérience a pris le dessus sur l'émotion initiale. "Nous avons fait un test dans la première cage de laboratoire et la crainte originelle avait disparu", décrit Susumu Tonegawa, Prix Nobel de médecine en 1987.
Cependant ce phénomène n'a pu être observé qu'en agissant sur l'hippocampe, sensible au contexte environnant, alors qu'il n'a pas été possible d'influer sur l'amygdale.
Les chercheurs espèrent que leurs découvertes feront avancer la recherche médicale sur les maladies de type troubles dépressifs ou post-traumatiques, affectant notamment les militaires.
A l'avenir M. Tonegawa espère pouvoir "contrôler les neurones avec une technologie sans fil, sans outil intrusif comme les électrodes" et "potentiellement faire croître le nombre de souvenirs positifs par rapport aux négatifs".
En juillet 2013, l'équipe du professeur Tonegawa avait réussi à créer de faux souvenirs chez des souris génétiquement modifiées en manipulant des cellules de l'hippocampe, région du cerveau impliquée dans la mémoire et en programmant ces cellules pour qu'elles puissent répondre à des pulsions lumineuses afin de pouvoir les manipuler.

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